Les OGM, encore et encore,…

(11/07/2009)

 

Nombre de fidèles de ce site s’interrogent sur ce qu’il faut penser des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés). Depuis très longtemps nous sommes désireux de leur fournir une information sérieuse, mais cela s’avère en fait pratiquement impossible aujourd’hui pour quelqu’un qui n’est pas expert de ces questions. La raison en est très simple, alors que ce sujet est éminemment scientifique, les débats – tout au moins en Europe – sont avant tout politiques au point que ceux qui ne connaissent presque rien à la question sont écoutés avec attention et, parfois même avec considération, au nom de la recherche inavouée d’un risque ‘0’ et de l’application d’un principe de précaution mal compris, alors que ceux dont c’est la spécialité sont dénigrés.

 

Les OGM sont présentés aujourd’hui comme une nouveauté, alors qu’il s’agit de l’aboutissement de développements déjà anciens : découverte des organes sexuels chez les végétaux (1676), visualisation des chromosomes (1880), application des lois de Mendel sur l’hérédité (1900), découverte de l’intérêt des hybrides sur le maïs (1908), description de la structure en double hélice de l’ADN (1953) ou découverte du transfert de gènes par des agro-bactéries (1977).

 

Les applications de ces découvertes ne sont ni nouvelles, ni contestées :

·      personne en effet ne remet en cause les vaccins (injection dans l’organisme humain de virus ou micro-organismes génétiquement modifiés), ou la thérapie génique, car le bénéfice en est patent ;

·      dans l’agriculture, ce fut d’abord la sélection naturelle pendant quelques milliers d’années : des variétés ont été sélectionnées pour leur meilleure résistance au climat ou la grosseur de leurs fruits, cas du maïs en Amérique du sud et centrale convenant mieux pour l’homme. Ce processus a été poursuivi pour des variétés de maïs s’adaptant au climat européen : en 1947, a été créé un hybride de maïs auquel on a donné un caractère « nordique ». Le maïs est maintenant adapté à toute l’Europe, mais les tourteaux de soja provenant d’Amérique, moins chers et plus nourrissants que le maïs, l’ont remplacé en Europe pour la nourriture animale  sans que qui que ce soit ne s’offusque bien que ces derniers soient à 80% OGM.

 

Les biotechnologies posent néanmoins des problèmes d’ordre éthique et sont accusées par certains, car il s’agit de « transformation de la vie » et il y a remise en cause de la théorie de l’évolution. De fait, on « modifie ce qui existe » et on met en danger la biodiversité. Est-ce cependant une raison pour faire fi de l’avis de tous ceux – scientifiques ou philosophes – dont c’est la vocation de travailler et réfléchir à ces questions ? Au point que les experts français de l’AFSSA ont dû crier en mars dernier leur désarroi et leur exaspération face à la « diffamation permanente » dont ils sont l’objet de la part des opposants aux OGM, des média et du public en général. Leurs doléances sont compréhensibles mais elles ont toute chance de rester lettre morte.

 

En effet, en France comme ailleurs en Europe, les responsables politiques ne peuvent pas se permettre d’ignorer la vox populi. La démocratie d’opinion qui règne dans notre monde moderne interdit de regarder un sujet de santé publique sans tenir compte du problème  environnemental dans sa dimension la plus globale ou de la dimension sociétale du problème quand bien même rien n’est fait pour éclairer le public et répondre à des doutes souvent légitimes.

 

La Commission Européenne qui n’est pas élue au suffrage direct n’éprouve pas le besoin de remettre en cause l’Autorité européenne de la sécurité alimentaire (EFSA) alors que celle-ci vient, en France comme en Allemagne, d’être vilipendée d’être « génétiquement pro-OGM ». Celle-ci vient de remettre un rapport exprimant que rien ne s’oppose à la reconduction par Bruxelles de l’autorisation d’importer et de cultiver en Europe le maïs MON810, maïs contesté comme le rapport et l’institution elle même par au moins 18 des 27 pays de l’Union.

 

En France comme ailleurs les garants de la sécurité alimentaire sont invariablement favorables aux OGM, allant même pour certains jusqu’à reconnaître que les OGM sont bénéfiques pour la santé humaine car il réduise de façon importante les risques liés à la présence de traces d’herbicides et de pesticides dans les produits alimentaires. A quoi le ministre français de l’écologie objecte que les experts ne présentent pas un spectre de disciplines suffisamment large, que les cultures OGM sont à considérer, non comme isolées, mais comme intégrées à tout un écosystème et coexistant  avec des cultures conventionnelles et des cultures bio. On ne saurait être plus explicite…il convient donc d’attendre d’y voir clair...et d’attendre des années.

 

Mais comment y voir clair ? Les expérimentations OGM doivent continuer disaient dans une tribune publiée en janvier 2008  Pierre Joliot, Bernard Le Buanec et Jean-Marie Lehn, professeur au Collège de France pour l’un, membre de l’Académie des sciences ou des Académies d’agriculture et des technologies pour les autres. « Le sérieux des études scientifiques doit être affirmé, respecté et défendu » clament-ils. Voilà un beau plaidoyer mais comment faire progresser la recherche quand les cultures expérimentales voient leurs surfaces réduites d’année en année et sont trop souvent arrachées avant terme? Ou quand les chercheurs français doivent s’expatrier s’ils veulent poursuivre leurs recherches sereinement. (lire).

 

Donc, en France, les anti-OGM ont gagné : en octobre 2007  le « Grenelle de l’environnement » a conduit à la création d’une Haute Autorité sur les OGM ; celle-ci, à peine nommée, remettait en janvier 2008 un rapport bâclé duquel a découlé  un moratoire dont la France n’est pas prêt de sortir. Tout ceci pour le plus grand bénéfice du groupe américain Monsanto qui, s’il voit se fermer une partie du marché français –  une partie seulement car les importations d’aliments OGM pour le bétail ne sont pas interdites –, voit aussi ses concurrents français durablement handicapés au plan mondial.

 

Quoi penser des OGM ? Pour tenter de répondre à cette question nous donnons la parole à Roland Petit-Pigeard, Directeur Général de SICASOV, un groupe qui a pour mission de développer, de gérer et de contrôler l’exploitation des brevets, certificats d’obtention végétale, et savoir-faire dans le domaine des biotechnologies végétales et qui est à l’origine du groupe « Graines et Sciences » regroupant le CNRS, l’INRA, le CEA et la SICASOV.

 

L’internaute trouvera dans le texte de Roland Petit-Pigeard un texte accessible montrant qu’on peut être un défenseur des OGM sans être pour autant un inconditionnel. (lire)

 

 

Bernard Lenail